L'invité du mois de GESTION DE FORTUNE

En dépit d’une fiscalité hostile, la pierre-papier a le vent en poupe. Les chiffres du 1er trimestre 2019 sont excellents. Nous avons rencontré Thierry Gaiffe, l’un des gestionnaires les plus expérimentés, à la tête de Fiducial Gérance depuis bientôt trois ans. Une société de gestion dont les SCPI sont au top des rentabilités. Il s’explique sur ses projets, son actualité et réagit sur les sujets qui fâchent.
Entretien avec Jean-Denis ERRARD - GESTION DE FORTUNE
Deux de vos SCPI de rendement se voient cette année décerner une Victoire de la Pierre Papier pour leurs remarquables performances (TRI), Logipierre 3 (lancée en avril 1986) et Sélectipierre 2 (lancée en avril 1978). Deux SCPI qui n’ont pourtant pas des rendements élevés (respectivement 4,7% et 3,7% de TDVM). Un commentaire ?
En effet, les SCPI Sélectipierre 2 et Logipierre 3 ont été primées aux Victoires de la Pierre-Papier 2019. J'en suis très heureux.
Sélectipierre 2 est une SCPI de bureaux parisiens situés dans le Quartier Central des Affaires (QCA), qui approche les 400 M€. Elle réalise la meilleure performance globale sur 10 ans en SCPI Bureau en capital variable avec un TRI de 13,92 %. Son TRI sur 15 ans s’élève à 14,60 % (source IEIF). Compte tenu de son positionnement patrimonial, Sélectipierre 2 est une SCPI de niche dont le rendement de 3,7%, me parait en phase avec son marché.
Quant à Logipierre 3, c'est une SCPI de résidences gérées de 60 M€. Elle a obtenu le prix de la meilleure performance globale sur dix ans en SCPI spécialisée en capital variable avec un TRI de 9,96%. Également primée en 2017, son TRI sur 15 ans s’élève à 14,51 % (source IEIF). Le rendement 2018 de 4,7 % de Logipierre 3 est en ligne avec le rendement moyen des SCPI spécialisées (4,61 %).
Ces deux distinctions décernées par votre magazine ainsi que celle pour la SCPI Ficommerce, spécialisée Commerce récompensent le travail effectué par l’ensemble des équipes de Fiducial Gérance et la régularité des résultats de ses SCPI sur le long terme.
Pour vous, qu'est-ce qu'une bonne SCPI ?
Une « bonne » SCPI s’inscrit dans la durée, à la lumière de la régularité et de la pérennité de son rendement (TDVM) et de sa performance (TRI). Pour être performante, une SCPI doit être de taille suffisante afin de mutualiser les risques. Une certaine ancienneté permet aussi de se constituer un patrimoine.
Hormis ces principes, il ne faut pas perdre de vue que pour garantir dans le temps une performance d’une SCPI, il convient de respecter quatre critères fondamentaux; la qualité de l’emplacement, la qualité de l’actif, la qualité du locataire et la qualité de la gestion !
Après ce premier tiers de l’année, comment s’annonce la collecte 2019 ?
Après cette année de changements fiscaux marquée par l’IFI et le prélèvement à la source, les investisseurs « personnes physiques » ont perdu un certain nombre de repères. Malgré cela, l’appétence pour l’immobilier et la pierre-papier ne devrait pas se démentir en 2019. C'est bien parti. En effet, l’épée de Damoclès concernant la remontée prochaine des taux d’intérêts s’est éloignée. De plus, la volatilité des marchés financiers fin 2018 contribue à cette dynamique.
Ce n'est pas tout de collecter. En termes d’investissements, vous trouvez toujours de bonnes affaires ? Face aux tensions sur les marchés financiers, les institutionnels n’ont-ils pas la tentation de se rabattre sur l’immobilier et faire monter les enchères ?
En termes d’investissements, le contexte de 2019 est toujours favorable à l’immobilier avec une prime de risque autour de 4%. S’il est vrai que, face aux tensions sur les marchés financiers et, à une volatilité qui s'est accentuée, les institutionnels ont la tentation de se positionner sur l’immobilier, ils doivent respecter nombre de ratios réglementaires.
Que répondez-vous aux CGP inquiets qui craignent que les gérants de SCPI achètent trop cher ? Ou qu’ils risquent de prendre trop de temps pour investir ? Ce qui risque d’entraîner des rendements en baisse cette année, donc une dilution ?
Fiducial Gérance ne fait pas de la croissance à tout-va. Comme d’autres confrères, nous maîtrisons la collecte, à savoir que nous savons la freiner, la contenir afin de diminuer les effets dilutifs des investissements actuels. Compte tenu de la politique des taux qui sont appelés, à notre avis, à rester encore longtemps très bas ou bas, j'observe une tendance de fond à tirer vers le bas aussi les rendements. C’est aux gestionnaires, de par leur professionnalisme à «tirer leurs épingles du jeu».
En terme de distribution, le choix de faire distribuer ses SCPI par l’assurance-vie ne peut-il être source de déstabilisation, dès lors que le retrait massif de l’assureur, comme cela s’est déjà observé dans le passé, peut provoquer une crise de liquidité pour les épargnants investis en direct ?
Il convient de savoir que les assureurs-vie ont plusieurs techniques pour acheter des parts de SCPI. Soit l’assureur-vie achète des parts, les porte, les gère et, les distribue via les UC lorsqu’un client en achète. Soit l’assureur-vie achète des parts pour un client qui en fait la demande au fil de l’eau. Le risque existe uniquement dans le premier cas. Notre politique vis-à-vis des assureurs-vie est claire : nous limitons leurs poids dans nos SCPI à moins de 10 % afin d’éviter les sources éventuelles de déstabilisation du marché des parts.
La recherche de performance passe-t-elle par une internationalisation de vos investissements ?
Pour nous, l’internationalisation est avant tout une diversification géographique du risque en se positionnant sur des cycles de marché différents, et donc complémentaires, sans négliger pour autant la recherche de performance.
Au niveau de nos SCPI, nous sommes justement en due-diligence pour un premier investissement à l’étranger. J'ajoute que nous venons de lancer un fonds de fonds Fidimmo, qui a commencé à investir à l’étranger à hauteur de 2 %.
Vous avez récemment lancé une offre d’épargne immobilière programmée, mensuelle ou trimestrielle. Le prix des parts étant élevé, l’offre est tout de même élitiste, non ?
Cette offre d’épargne immobilière sur « mesure » est un nouveau service proposé aux associés. FIDUCIAL Gérance souhaite donner accès au plus grand nombre à l'investissement immobilier en proposant la souscription de parts de SCPI sous forme de versements programmés.
Selon ses moyens, ses besoins et au rythme qu'il s'est fixé, l'épargnant peut investir en immobilier de rendement mensuellement ou trimestriellement. Cette offre n’est pas du tout élitiste puisque les prix des parts des SCPI concernés sont respectivement de 230 et 267 €.
Vous avez décimalisé les parts ?
Nous n’avons pas décimalisé les parts de nos SCPI. En effet, pour décimaliser une part de SCPI, il faudrait que le Code civil et le Code monétaire et financier le permettent. Ce qui n’est pas le cas… à ce jour !
Je vous rappelle que le code civil est clair à ce sujet dans son article 1845-1 : il précise « le capital est divisé en parts égales ». A La lecture de l’article R.214-154 du Code monétaire et financier applicable aux SCPI, il semble devoir être déduit que le fractionnement de parts n’est pas permis pour les SCPI. D’ailleurs, l’Aspim a lancé un groupe de travail sur la modernisation des parts de SCPI dont un des thèmes identifiés est « la décimalisation des parts ». C'est un sujet à suivre.
Pourquoi restreindre cette offre à vos deux plus grosses SCPI Ficommerce et Buroboutic ?
Cette offre concerne Ficommerce et Buroboutic grand public avec un prix de souscription respectif de 230 et 267 €. Sélectipierre 2 et Logipierre 3 sont des SCPI patrimoniales et/ou de niches avec des prix de souscription plus élevés.
La pratique du report à nouveau suscite des critiques. Quelle est votre position sur le sujet ?
C’est un serpent de mer qui revient plus ou moins régulièrement. Il ne convient pas de généraliser une position très minoritaire. L’associé ou l’investisseur attend une régularité de revenus. Le report à nouveau est nécessaire pour la bonne gestion d’une SCPI. Il permet de lisser la distribution. La vraie question est plutôt quel est le bon dimensionnement du report à nouveau ? Deux, trois ou quatre mois ? C’est une question de bonne gestion.
Fiducial Gérance est la seule société de gestion à proposer un cash back (remboursement des trois mois de délai de jouissance sur Buroboutic). Pourquoi cette initiative ?
C’est une offre commerciale ponctuelle durant trois mois. Celle-ci est prise en charge par la société de gestion. La SCPI n’est nullement pénalisée.
Sur vos cinq SCPI, une seule est en capital fixe, Pierre Expansion, une très petite SCPI. Avez-vous en projet de passer en variable ? Que projetez-vous pour la dynamiser ?
Il a été proposé aux associés de Pierre Expansion lors de l’AG Mixte du 18 juin de passer en capital variable. Ce projet s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques présentées au Conseil de Surveillance du printemps 2019. Le fil conducteur de cette stratégie est de conserver une SCPI diversifiée de rendement investie en locaux de bureaux, de commerces et de résidences gérées, et accessoirement en investissements opportunistes.
Ladite stratégie est claire en quatre volets :
- la valorisation et le rajeunissement du patrimoine ;
- l’arbitrage des actifs non stratégiques ;
- la relance maîtrisée de la collecte ;
- la mise en place d’une ligne de crédit revolving pour anticiper les investissements.
La mise en œuvre de cette stratégie passe par la transformation de Pierre Expansion à capital fixe en capital variable afin de lui permettre de continuer à se développer en s’appuyant sur une collecte régulière et maîtrisée, tout en assurant aux associés une meilleure liquidité.
L'un des freins à la collecte de SCPI n'est-il pas la fiscalité, à savoir une surfiscalisation des revenus (le double de la flat tax !) à laquelle s'ajoute l'IFI. Comment comprendre cette sanction fiscale de l'immobilier d'entreprise ? L'Aspim dont vous êtes administrateur et trésorier, mène-telle la bataille contre cette iniquité ?
L’investissement en immobilier à travers de la pierre papier est tout sauf une rente. Les investissements des SCPI contribuent à l’économie réelle et à la production de valeur ajoutée. Je tiens à la répéter. Il est vrai que les vents actuels sont contraires, Il faut savoir faire le dos rond et mener bataille discrètement. L’Aspim continue de conduire ce travail de lobbying à ce sujet… il faut savoir être patient !
Quelle solution d’achat à crédit pour vos souscripteurs depuis la disparition du Crédit Foncier ? Fiducial peut-il intervenir comme banque ?
Avant la disparition du Crédit Foncier, nous avons pris des dispositions en prenant attache avec des courtiers pour offrir une offre « packagée ». Même si le groupe Fiducial dispose d’une banque, celle-ci n’intervient pas à ce jour pour financer les personnes physiques. En revanche, elle peut financer les personnes morales.
Fiducial Gérance, c’est aussi un actif forestier de premier ordre, 5 200 hectares. C’est peu connu ! Pourquoi restez-vous discret par rapport à d’autres sociétés ?
Encore plus que l’immobilier, la gestion de la forêt s’inscrit dans la durée ! Fiducial Gérance gère des forêts sur tout le territoire métropolitain, à travers des groupements forestiers depuis plus de 40 ans. A ce jour, nous gérons 36 forêts à travers 6 groupements forestiers représentant 5 200 hectares. En terme de bilan carbone, nous captons 52 000 tonnes de CO2 par an.
Il est vrai que contrairement à d’autres sociétés, très récentes, plus financières et parfois plus dissertes, qui sous-traitent la gestion de leurs forêts, nous préférons gérer par nous-mêmes pour conserver un savoir-faire en l’inscrivant dans la durée. Ainsi notre équipe dédiée est constituée de trois collaborateurs qui s’appuient sur 5 Entrepreneurs en Travaux Forestiers (ETF) en région.
Pour finir, quels sont vos projets ? Vous allez lancer un GFI maintenant que l’appel public est autorisé ?
Effectivement, les derniers textes réglementaires ont été publiés. Nous avons lancé le process de création d’un Groupement Forestier d’Investissement (GFI). Celui-ci s’inscrira dans le cadre d’un développement maîtrisé et …durable.
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Un nouveau fonds
Est-il dans vos intentions de lancer un OPCI pour satisfaire les assureurs en panne avec leurs fonds en euros ?
Non. Nous venons de lancer un fonds de fonds immobilier Fidimmo, société civile à capital variable, à destination des assureurs-vie et des institutionnels qui a déjà une capitalisation de 20 M€. Outre son positionnement axé sur des investissements opportunistes, ce fonds a la particularité de proposer des parts en capitalisation et des parts en distribution, répondant aux attentes des assureurs-vie.
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Comment se déroule la liquidation de Logipierre 1 ?
Créée en 1978, Logipierre 1 est une SCPI Habitation à très forte implantation dans les quartiers centraux haussmanniens parisiens. Évènement rare dans le monde des SCPI, l'assemblée générale extraordinaire du 27 juin 2018 a décidé la dissolution anticipée et la mise en liquidation amiable de la société.
Paradoxalement, c’est Fiducial Gérance, société de gestion de la SCPI Logipierre 1 qui a proposé de mettre en liquidation cette SCPI. Cette décision fait suite à une longue réflexion menée avec le conseil de surveillance de la SCPI.
Trosi options étaient possibles : relancer la commercialisation de cette SCPI à capital fixe en « variabilisant » son capital ; la fusionner avec un autre véhicule ; ou la dissoudre pour réaliser la valeur des actifs ? Au final, c’est la dissolution anticipée qui a été retenue. Dans ce cadre, un appel d’offres à deux tours a été lancé afin d’extraire le maximum de valeurs de ces actifs patrimoniaux.
Compte tenu du momentum sur le résidentiel, de très belles perspectives de plus-values sont envisageables pour les associés.
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Un choix surprenant
Comment comprenez-vous la décision prise par l’AMF de permettre aux sociétés de gestion de communiquer seulement tous les semestres et non plus tous les trimestres ? N’est-ce pas étrange alors que le produit SCPI commence à devenir connu des épargnants et alors que le sens de l’histoire est d’aller vers la transparence ?
D’un côté, je comprends la décision de l’AMF, qui harmonise l’information aux associés ou investisseurs entre différents types d’investissements. D’un autre côté, je suis surpris du choix du semestre. Le choix aurait pu être fait dans l’autre sens. En tout état de cause, rien n’interdit à une société de gestion de continuer à informer chaque trimestre les associés, sous une forme différente et plus riche en informations que le bulletin semestriel d’information qui est très normé.
Entretien avec Jean-Denis ERRARD - GESTION DE FORTUNE - juillet 2019